Résumé des rencontres-midi sur l’avenir de notre régime de retraite

Le texte qui suit reprend les principaux points qui ont été abordés lors de ces présentations.

Quelques notions de base

  • Différence entre un régime à prestation déterminée et un régime à cotisation déterminée : essentiellement, un régime à prestations déterminées est un régime où les cotisations peuvent varier d’une année à l’autre, mais où l’on sait d’avance ce que l’on aura comme prestation de retraite. Dans un régime à cotisations déterminées,  les cotisations sont fixes, mais la prestation de retraite dépend de ce qui a été accumulé. Donc, dans les régimes à prestations déterminées c’est le régime qui prend le risque et dans un régime à cotisation déterminé, c’est le participant. Généralement, on s’accorde pour dire que les régimes à prestations déterminées sont les plus avantageux pour les participants. Notons que notre régime est à prestations déterminées.
  • Taux de capitalisation : dans les régimes à prestations déterminées, c’est le calcul fait à une date donnée pour s’assurer qu’on aura assez d’argent pour payer toutes les prestations promises. Lorsque le taux est à 100 %, on dira que le régime est pleinement capitalisé. En bas de ce pourcentage, il est en déficit, et en haut, il est en surplus. Il est tout à fait normal que ce taux fluctue avec les années. Comme il s’agit d’un « polaroïd », et qu’il ne s’agit pas d’argent que l’on doit remettre demain matin, un taux inférieur à 100 % ne doit pas faire paniquer. À l’autre extrême, un taux supérieur à 100 % ne donne pas la permission de s’accorder des congés de cotisations ou d’améliorer les prestations.

La situation du Régime de retraite de l’Université du Québec (RRUQ)
Comme nous l’avons appris par voie de communiqué, nos cotisations au RRUQ seront fixées compter du 1er janvier  2015 à 10.65 % . Le tableau qui suit donne quelques exemples de ce que cela signifiera comme coût supplémentaire par paie.

Salaire brut

30,000 $

50 000 $

60 000 $

80 000 $

Augmentation de cotisation par paie avant impôt

16,44 $

27,40 $

32,91 $

47,53 $

Augmentation de cotisation par paie, net d’impôt

11,76 $

16,88 $

20,27 $

29,28 $

Données gracieusement fournies par André Labelle, fiscaliste, professeur à l’UQO. Il est également à noter que nous avons eu accès à ces données après les présentations des 18 et 24 novembre dernier.

En date du 31 décembre 2013, le taux de capitalisation était à 93,4 %. S’il n’arrive rien de catastrophique sur les marchés financiers ce taux devrait être plus élevé au 31 décembre 2014.

Nous avons un partage du coût du service courant (ce que cela coûte pour payer les prestations)

50 % employés – 50 % employeurs. Nous partageons également le coût des déficits passés à 50-50.

Les prestations du RRUQ sont pleinement indexées à l’indice des prix à la consommation (IPC) pour les années de service avant 2005. Pour la participation accumulée à compter du 1er  janvier 2005, la rente sera indexée selon l’indice des rentes moins 3 % (IPC-3 %), mais la différence sera comblée à l’aide de la réserve pour indexation, l’objectif étant de viser la pleine indexation. Par conséquent, si l’indexation selon l’IPC n’est pas accordée pendant une période où la réserve n’est pas suffisante (ce qui est le cas depuis 2009), elle le sera de façon rétroactive dès que la situation financière du Régime le permettra. Il s’agit donc d’une dette qu’a le RRUQ envers les retraités.

Petit retour historique
Durant les années 90, les régimes de retraite à prestations déterminées nageaient dans les surplus. À cette époque les actuaires étaient convaincus que ces régimes étaient si performants qu’on n’avait pas à s’en soucier. Bien au contraire! Pour éviter que les surplus ne deviennent trop importants et pour respecter la loi, qui interdisait d’avoir une capitalisation de plus de 110 %, on y est donc allé avec des congés de cotisations et des améliorations aux prestations. Résultat : lorsqu’en 2008, on a fait face à la pire crise financière depuis « le crash » boursier de 1929, on s’est retrouvé sans coussin de sécurité et les régimes de retraite ont commencé à avoir des problèmes de capitalisation.

Face à cette situation inquiétante, en 2012, le gouvernement Charest donne le mandat à un groupe d’experts d’analyser le système de retraite québécois et de proposer des recommandations pour l’améliorer en considérant les nouvelles réalités économiques et démographiques. Présidé par Alban D’Amours, ancien président de Desjardins, ce groupe était essentiellement constitué d’hommes d’un certain âge, près des milieux financiers et n’ayant sûrement pas beaucoup de préoccupations personnelles quant à leur revenu de retraite. En avril 2013, le Comité dépose son rapport, lequel contient une vingtaine de recommandations dont trois particulièrement dangereuses pour nos régimes de retraite soit :

    • L’introduction du concept de capitalisation améliorée qui, dans les faits, ferait exploser artificiellement les déficits de capitalisation;
    • Le droit pour un employeur d’abaisser ou d’annuler unilatéralement l’indexation des participants actifs et des retraités;
  • Le droit aux syndicats et aux employeurs le droit de négocier pour toucher aux acquis des participants actifs et des retraités.

Durant quelques mois, on a pu croire que ce rapport avait été mis sur les tablettes, mais, sous les pressions exercées par les municipalités, particulièrement les maires Labeaume et Coderre, en décembre 2013, la ministre Agnès Maltais déclare que le statu quo n’est plus possible et met sur pied trois forums de discussion : l’un pour le secteur municipal,  le deuxième pour le secteur universitaire et le dernier pour le secteur privé. L’objectif de la ministre est de restructurer les régimes qui sont en mauvaise santé (moins de 85 % de capitalisation), seulement pour le futur et en ne touchant pas aux pensions des retraités. Les principes qui doivent guider cette restructuration sont le partage du service courant à 50-50 (employeurs et employés), l’équité intergénérationnelle et la capacité de payer du contribuable.

Le projet de loi 3
En avril 2014, les libéraux prennent le pouvoir. Très rapidement, le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau dépose le fameux projet de loi 3. S’il reprend à son compte les principes énoncés par sa prédécesseure, les éléments contenus dans son projet sont d’un tout autre ordre. Voici les points saillants de ce projet :

    • Tous les régimes de retraite seront soumis à la loi, même ceux capitalisés à 100 %;
    • Il n’y aura de protection des acquis, ni pour les participants actifs, ni pour les retraités;
    • Toute forme d’indexation garantie pour le service après 2014 sera interdite. Dans certains cas, cette interdiction pourrait même être rétroactive;
    • Le coût du service courant sera désormais partagé entre participants actifs et employeurs à 50-50. Notons que la semaine dernière le ministre Moreau a accepté que dans certains cas, il y ait possibilité d’un partage 45(employés)-55(employeur);
    • Le coût des déficits passés devra être partagé entre les participants actifs, les retraités et les employeurs. Pour les retraités, cette mesure pourrait signifier la suppression de leur indexation pour trois ans au bout desquelles une formule de «compensation» pour la perte du pouvoir d’achat sera mise en place si la santé financière du régime de retraite s’améliore au point d’engranger des surplus;
    • Chaque régime devra créer un fonds de stabilisation en prévision des mauvais jours;
  • Les parties auront un temps limité pour négocier un accord. Sinon, elles devront aller en conciliation. Et si ce processus ne fonctionne pas plus, les parties se retrouveront devant un arbitre. La décision de ce dernier sera sans appel. Toutefois, si sa décision ne respecte pas les balises fixées par la loi (lesquelles balises sont très étroites), il devra refaire ses devoirs.

Ce qui est particulièrement dangereux dans ce projet de loi c’est qu’il revient sur les acquis, donc ce qui librement négocié, qu’il touche aux pensions des retraités et qu’il rend illégal le concept même d’indexation garantie.

Mentionnons que ce projet de loi a été adopté le 4 décembre 2014.

Le secteur universitaire aura aussi sa loi
Dans le secteur universitaire, nous ne perdons rien pour attendre. En septembre dernier, lors de rencontres avec des représentants des régimes de retraite universitaires, le ministre de la Solidarité sociale, responsable de la Régie des rentes, François Blais, a été très clair à ce sujet. Au cours des prochains mois, il déposera un projet de loi visant à restructurer les régimes de retraite universitaires qui « sans être un copier-coller du projet de loi 3, sera dans son sillon ».

Le 18 novembre dernier, il y a eu une première rencontre technique entre la Régie des rentes et un comité restreint de représentants des régimes universitaires. Le représentant du RRUQ était Marc Chabot, professeur à l’ESG-UQAM et porte-parole syndical à la Table réseau de négociation du RRUQ. Le SEUQAM était également représenté via Guy de Blois, conseiller syndical au SCFP, responsable du secteur universitaire, auquel nous sommes affiliés. L’un et l’autre se sont accordés pour dire qu’il semblait y avoir de l’écoute de la part de la Régie des rentes. Cette ouverture se reflètera-t-elle dans le futur projet de loi? Nous l’espérons, mais n’osons pas trop le croire, car la volonté du ministre de légiférer nous apparaît d’abord et avant tout idéologique.

En effet, la grande majorité des régimes de retraite universitaires sont non seulement en bonne santé financière (taux de capitalisation moyen de 92 % au 31 décembre 2013), mais partagent déjà à 50-50 le coût du service courant ainsi que des déficits passés (ce qui est le cas du RRUQ).

La future loi, si elle s’inscrit bien dans le sillon du projet de loi 3, aura plusieurs conséquences, notamment :

    • Diminuer la masse salariale de 5 % à 15 %, puisque le régime de retraite c’est en fait un salaire différé;
    • Détériorer les relations de travail;
    • Rapprocher les régimes de retraite à prestations déterminées des régimes à cotisations déterminées, puisqu’une bonne partie du risque du régime sera dorénavant transféré du régime aux participants;
    •  Appauvrir les retraités par la suppression probable de leur indexation;
    • Appauvrir les futurs retraités par l’abolition de toute forme d’indexation garantie;
  • Briser le lien de confiance qui permet l’existence même des régimes de retraite à prestation déterminée.

La suite
Dès maintenant, on peut s’attendre à ce que la loi 3 ou tout type de loi semblable sera contesté jusqu’en Cour suprême, parce qu’il :

    • Abolit la protection légale des droits acquis;
    • Va à l’encontre de décisions judiciaires passées protégeant les rentes des retraités, sauf en cas de faillite;
    • Bafoue le droit d’association et le droit à la libre négociation;
  • Constitue une véritable rupture de contrat.

Il est donc important de continuer à être solidaires avec nos collègues du secteur municipal. De notre côté, il va sans dire que nous suivons ce dossier de très près.

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