Le modèle québécois d’assurance médicaments : Inefficace et dispendieux

Cette fiche a été produite par l’Institut de recherche en économie contemporaine

Les enjeux autour des dépenses en médicaments sont nombreux et complexes. Il ne s’agit pas d’un problème unique au Québec, ni même au Canada. Il découle d’enjeux globaux qui relèvent plus largement de l’insertion d’une petite économie locale, comme celle du Québec, dans une économie mondiale traversée par des révolutions technologiques majeures (thérapies géniques, économie numérique, etc.) et par de nouveaux besoins de santé (dus à une transition démographique) qui bouleversent le secteur pharmaceutique. Il existe néanmoins de nombreux exemples de pays qui se sont dotés de systèmes universels d’assurance médicaments qui ont permis de répondre aux enjeux de santé publique tout en maîtrisant les coûts.

Une comparaison qui désavantage le Québec Le régime général d’assurance médicaments (RGAM) du Québec a été mis en place au cours des années 1990. Toutefois, les premiers balbutiements d’un régime québécois remontent à plus loin. C’est en 1961 qu’on a vu apparaître le programme d’assurance hospitalisation qui donnait un accès gratuit aux médicaments en milieu hospitalier. Par la suite, des années 1960 aux années 1990, cette gratuité fut progressivement élargie au fur et à mesure que le Québec se dotait d’un ensemble de politiques visant à protéger les populations les plus vulnérables. Néanmoins, en 1992, les programmes en vigueur laissaient encore près de 1,5 million de personnes sans couverture. En 1995, le comité présidé par Claude Castonguay propose l’adoption d’un régime universel qui impliquerait une participation financière des utilisateurs en tenant compte de leurs revenus respectifs et en 1996 le RGAM est mis sur pied avec l’objectif d’offrir un accès « équitable » et « raisonnable » aux médicaments.

Le RGAM du Québec est un système mixte qui combine des régimes collectifs privés et un régime public d’assurance médicaments (RPAM). Il est universel dans la mesure où l’adhésion à un régime d’assurance est obligatoire. La Loi sur l’assurance médicaments stipule qu’une personne qui se voit offrir l’accès à un régime collectif privé par son employeur est dans l’obligation d’accepter celui-ci. Inversement, aucun régime privé ne peut refuser l’adhésion d’une personne admissible. À défaut de disposer d’un régime offert par un employeur, toute personne doit adhérer au régime public qui est administré par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

En comparaison avec ce qui existait auparavant, le régime actuel a le précieux avantage de couvrir l’ensemble de la population du Québec. Par contre, parce qu’il est un système hybride, le régime comporte son lot de problèmes. Ces problèmes, qui relèvent avant tout d’une question d’équité, sont de deux ordres distincts. D’une part, il y a un clivage en ce qui concerne les modalités d’accès au régime public en comparaison avec les régimes collectifs privés ; d’autre part, les listes de médicaments remboursés des régimes collectifs privés sont plus étendues que celle du régime public. Enfin, le modèle québécois d’assurance médicaments comporte des disparités de prix pour les médicaments remboursés, ce qui limite ainsi la capacité du gouvernement à contrôler les dépenses et faire une gestion rigoureuse du régime.

À titre comparatif, nous avons répertorié dans le graphique suivant les dépenses par habitant en matière de médicaments pour un certain nombre d’entités nationales, dont quelques-unes sont tout à fait comparables au Québec (le Danemark, la Suède et les Pays-Bas). Le constat nous apparaît évident : c’est au Québec que les dépenses pharmaceutiques per capita sont les plus élevées.

Une étude attentive des régimes alternatifs comparés nous permet d’identifier les mesures d’encadrement et de régulation qui sont les plus aptes à contrôler les prix et les dépenses en médicaments.

  1. Plusieurs pays se sont dotés de mesures visant à contrôler le prix des médicaments brevetés, par le biais d’une liste de pays de comparaison en fonction de laquelle les prix seront établis comme justes ou excessifs. Malheureusement, la liste canadienne comprend les pays où les prix sont les plus élevés.
  2. Les critères retenus dans le cadre de l’évaluation des médicaments et le caractère plus rigoureux ou laxiste du processus d’inscription à la liste des médicaments remboursés ont des incidences sur les dépenses en la matière.
  3. Plusieurs pays ont une politique stricte de substitution des médicaments génériques aux médicaments brevetés.
  4. La centralisation de l’approvisionnement et des appels d’offres donne un pouvoir de négociation plus élevé. Finalement, les différents régimes étudiés comportent tous certaines règles entourant les profits pouvant être dégagés par les grossistes ou par les pharmacies.

Réforme pour un régime public universel

Le régime mixte qui est actuellement en vigueur au Québec, partagé entre des régimes collectifs privés et un régime public d’assurance médicaments, crée une iniquité en ce qui concerne la participation financière des personnes assurées, les couvertures auxquelles elles ont droit et les prix de vente des médicaments auxquels elles ont accès. À l’inverse, la mise en place d’un régime universel public d’assurance médicaments, dont plusieurs pays comparables au Québec ont déjà montré l’efficacité, permettrait de mieux contrôler les prix des médicaments et ainsi de favoriser un accès véritablement équitable aux médicaments pour l’ensemble de la population du Québec.

Les dépenses pharmaceutiques sont définies de la manière suivante : « Les dépenses pharmaceutiques comprennent les dépenses liées à l’achat de médicaments délivrés sur et sans ordonnance (automédication). Pour certains pays, les données comprennent également l’achat d’autres biens médicaux non durables. Les produits pharmaceutiques consommés dans les hôpitaux sont exclus. Les dépenses pharmaceutiques finales incluent les marges des grossistes et des détaillants et la taxe sur la valeur ajoutée. Les dépenses pharmaceutiques concernent, dans la plupart des pays, les dépenses “nettes”, prenant en compte les éventuelles remises accordées par les fabricants, les grossistes ou les pharmacies ». Voir le site de l’OCDE : https://data.oecd.org/fr/healthres/depensespharmaceutiques.htm

 

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