Vivre avec une condition «invisible»

Evelyn McDuff, technicienne en information | Service de planification académique et de recherche institutionnelle

Avez-vous déjà été tellement fatigué-e que vous deviez prendre une pause pendant que vous vous brossiez les dents ? Avez-vous déjà eu de la misère à vous concentrer en réunion parce que vos vêtements sont trop lourds ? Ça vous dit quelque chose ? Pour moi, ça fait partie du quotidien.

Me comprendre

J’ai plusieurs maladies auto-immunes; pour une raison encore inconnue, mon système immunitaire produit des anticorps qui, au lieu de combattre des infections, attaquent mes organes et mes nerfs. Dans mon cas, il s’agit d’une condition incurable et dégénérative. D’une journée à l’autre, les symptômes et leur sévérité changent : douleur neuropathique, épuisement, pertes cognitives … et j’en oublie. Pour compliquer les choses, des jours, semaines et même des mois peuvent être presque exempts de symptômes alors que d’autres en sont remplis. Il m’est alors impossible de fonctionner.

Plusieurs enjeux

Symptômes, traitements, complications, effets secondaires, restrictions … Une couche de frustration s’ajoute parce que la majorité de ces symptômes ne sont pas apparents. C’est un défi supplémentaire auquel sont confrontées les personnes qui vivent avec des maladies et des conditions dites « invisibles »[1]. Les personnes souffrant de maladies invisibles sont souvent jugées ou injustement critiquées parce qu’elles n’ont « pas l’air » malade et elles se font souvent qualifier de paresseuses ou d’hypocondriaques.

Concrètement, pour le travail, j’ai besoin d’aménagements particuliers et d’un horaire flexible. Je suis très choyée au sein de mon équipe actuelle : j’ai une directrice qui prend ma santé à cœur et qui fait preuve de beaucoup de compassion. J’ai aussi la chance d’avoir des collègues à l’écoute. Ça rend tout ça beaucoup plus facile, mais je sais très bien que ce ne sont pas tou-te-s les employé-e-s avec une condition qui s’apparente à la mienne qui ont cette chance ou qui sont en mesure de demander des aménagements dans leur unité. J’ai le bonheur de faire partie d’une équipe incroyable avec qui je me sens à l’aise de parler de mon état de santé, des moments où je vais moins bien et avec qui me réjouir lorsque ça va mieux. Ça n’empêche pas que ma condition a un impact considérable sur mon travail et sur mon quotidien. Je dois prendre des pauses plus souvent, changer de position au travail, devoir m’absenter pour des rendez-vous ou quand les symptômes ne sont plus gérables, pour ne donner que quelques exemples. Quand je suis incapable de terminer un projet et qu’un-e collègue doit prendre la relève, je me sens envahie de culpabilité. Je suis aussi très réticente à chercher des opportunités d’avancement à cause de ma condition, notamment parce qu’en ce moment, une grande partie de ma qualité de vie au travail repose sur le bon vouloir de ma gestionnaire. Je me demande si, dans une autre équipe, avec une autre gestionnaire, je pourrais aussi facilement avoir ces aménagements et ce partage. Je ne sais pas comment serait accueillie une demande prolongée d’arrêt de maladie et quel impact cela aurait sur mes relations de travail dans une autre équipe. Je ne sais pas non plus si cela pourrait avoir des effets négatifs lors d’entretiens d’embauche dans une autre unité ou pour une promotion. Ça me terrifie.

Rien ne garantit qu’une autre équipe de travail serait aussi accommodante et ouverte. J’ai de la chance, mais je ne sens pas que je peux poursuivre toutes les opportunités qui, autrement, s’offriraient à moi.

Comment aider un-e collègue qui vit avec une maladie invisible ?

La première chose à faire, c’est d’être à l’écoute lorsqu’une personne de notre entourage nous parle de sa condition. Il est essentiel de ne pas la juger. Cette personne n’est pas non plus à la recherche de conseils. Si elle en veut, ne vous en faites pas : elle est habituée de demander. Elle est encore plus habituée de recevoir des conseils non sollicités …

Vous voulez des points bonis ?

Prenez 10 minutes de votre temps pour googler et en apprendre plus sur la maladie ou le handicap de votre collègue. Vous en apprendrez un peu plus et vous serez mieux préparés à accueillir les expériences de votre collègue. Un aspect très difficile pour les personnes vivant des réalités autres que la vôtre est de devoir prendre du peu de temps et d’énergie dont elles disposent pour éduquer leurs collègues. Faire ce travail d’éducation par vous-mêmes contribue à enlever une partie de ce poids.


[1] Une maladie invisible est un terme générique utilisé pour décrire toute condition médicale qui n’est pas facilement visible pour les autres. Cela comprend les affections physiques chroniques telles que l’arthrite, le diabète, la fibromyalgie et autres, mais aussi les maladies mentales.

Pour en savoir plus sur la journée internationale des personnes handicapées, c’est ici!